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La Source (Jungfrukällan) d’Ingmar Bergman (Suède, 1960)

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Bien que ce ne soit pas le film de Bergman le plus cité ou connu, La Source (La source de la vierge en suédois) est à la charnière des périodes « classique » et « moderne » du cinéaste, toute relative que soit cette distinction. Il exemplifie des « aller-retour » de certains personnages par rapport à la foi (et du film lui-même par rapport à sa source lointaine, une ballade ancienne, et du jugement de Bergman sur son film). Il y a là un signe sans doute de changements majeurs dans une culture européenne qui se cherche à l’époque, au moment d’aborder une nouvelle décennie.

Synopsis

Une jeune ville, Karin (Birgita Pettersson) fille d’un riche propriétaire terrien de la région reçoit pour mission de ses parents d’apporter des cierges à la Vierge Marie dans une église, à une journée de voyage à cheval. Elle se fait accompagner par Ingeri (Gunnel Lindblom). En cours de route, elle rencontre des chevriers, trois frères (deux adultes et un enfant) avec qui elle partage ses provisions. Les adultes la violent et l’un des deux la tue. Ensuite, ils la dépouillent de ses vêtements sous les yeux d’Ingeri, cachée dans les bois, et de l’enfant. Les malfrats vont chercher refuge, la neige commence à tomber, dans la ferme des parents de Karin, ignorant le lien de famille. C’est en voulant négocier la belle robe de Karin avec sa mère, Märeta (Birgitta Valberg), que celle-ci la reconnaît et prévient son père Töre (Max von Sydow)…

Un peu d’histoire…

Le scénario est écrit par Ulla Isaksson, spécialiste des procès en sorcellerie, à partir d’une ballade du XIVe s., La Fille de Töre à Vänge. D’entrée de jeu, c’est Ingeri qui est mise en avant. Au petit matin, rallumant de feu de l’âtre, elle prie Odin d’écouter sa requête. La scénariste privilégie l’idée d’une opposition entre rites païens et foi chrétienne : les parents de Karin sont en effet très pieux. Il ne faut pas y voir cependant un trait historique mais plutôt l’idée de la persistance de comportements païens malgré la christianisation de la Suède. L’histoire nous apprend que celle-ci commence aux alentours de l’an 800, et s’étendra à peu près sur trois siècles, le dernier sanctuaire païen étant détruit à la fin du XIe s. à Uppsala (Suède). À Paris, le chapitre d’Uppsala fonde même un « Collegium upsaliense » en 1285. Le XIVe n’est donc pas considéré comme un âge de transition, mais plutôt comme celui d’une Église déjà bien établie, et à qui on pourra plutôt reprocher d’avoir trop de pouvoirs, de richesse, comme l’explique Régis Boyer, spécialiste de la question[1].

Deux femmes que tout oppose

Bergman va utiliser cette opposition entre paganisme et christianisme pour souligner les différences entre Ingeri et Karin. Si Ingeri est une « bâtarde » recueillie dans la famille, et enceinte d’une liaison illégitime (sœur adoptive ou demi-sœur de Karin), Karin est au contraire la fille légitime et adulée, choyée à l’excès (on lui passe ses caprices), mais aussi désinvolte, naïve et étourdie, peu préparée en tous cas à ce qu’elle va vivre. Elle rêve de fonder un foyer, de mariage, et se garde vierge pour son futur mari. Le contraste entre les deux femmes est total. Karin éprouve pourtant de la compassion Ingeri qui, elle, nourrit un ressentiment profond vis-à-vis de Karin (d’où la prière à Odin), qui a tout ce qu’elle n’a pas. Mais Ingeri est plus que le contrepoint de Karin : elle est comme une ombre qui accompagne aussi bien Märeta que Töre dans leurs desseins, projetant sur eux le trouble de leur faiblesse, de leur ambiguïté.

Confusions volontaires

En route, Ingeri et Karin rencontrent un homme (Oscar Ljung) qui habite une cabane surplombant un ruisseau. Ingeri refuse de continuer à suivre Karin, mue par une peur irrationnelle (« la forêt est si noire »), à moins que cette peur soit feinte. Tandis que Karin poursuit sa route, l’homme lui demande si « elle est en travail ». Elle répond : « pire que cela ». L’homme lui propose d’entrer et de l’aider, ayant reconnu en elle une autre païenne. L’eau coule carrément dans la cabane, ce qui constituera un curieux contrepoint à la scène de la source, plus loin, qui elle s’ouvre en plein air. Bien vite on se rend compte qu’il s’agit d’un rebouteux qui use de sorts et d’incantations ; il semble avoir « entendu » le secret d’Ingeri et d’autres choses. Ingeri entend un galop et l’homme lui révèle qu’il s’agit de trois hommes morts chevauchant vers le Nord (ce qui annonce le sort des chevriers). Lui aussi vénère Odin. Elle s’enfuit, effrayée, à travers les bois, à la recherche de Karin.

Beauté défigurée

Karin rencontre les chevriers et partage ses provisions. Elle rompt un premier pain, comme le ferait le Christ avec ses disciples. Mais un peu après, elle se rend compte des mauvaises intentions des hommes. Un des trois, l’enfant, jette l’autre pain par terre et il en sort un crapaud (qu’Ingeri avait préalablement placé là avant de commencer le voyage). Il y a ambiguïté : signe de sorcellerie, créature démoniaque, le crapaud défigure le premier partage et rend le pain immangeable. Karin songe-t-elle qu’il s’agit là d’un signe de protection envoyé par Dieu ? La scène est funeste et rattache Ingeri au crime qui va avoir lieu peu après.

Ingeri assiste ensuite à la scène du viol et du meurtre de Karin. Aucune complaisance dans la manière dont Bergman a filmé la scène, qui est à nouveau en contraste total avec l’apparente innocence et limpidité avec laquelle le réalisateur a raconté son histoire jusqu’ici. Karin en effet est totalement dépassée par les événements, presque incapable de réagir, comme si ce genre de choses était inimaginable. Son long silence avant sa plainte a été perçu par la critique comme un hommage au film muet de Victor Sjöström. Les spectateurs de l’époque n’ont pu qu’être choqués en voyant la scène, comme on peut l’être aujourd’hui. Karin est présentée comme une agnelle sans tache (elle se saisit d’un chevreau) dont les rêves de pureté et d’amour sont complètement broyés. Bien sûr, c’est le choc de l’incompréhension (Töre s’en fera l’écho plus tard), si ce n’est l’évidence de la malice logée au cœur de l’homme et l’appât du gain que Karin a fait naître en partie à cause de sa frivolité. Les assassins, ensuite, partent chercher un acquéreur pour les effets de la jeune fille et laissent l’enfant seul avec la morte. C’est alors qu’une première neige commence à tomber (scène très allégorique). L’enfant, prenant petit à petit conscience de l’horreur à laquelle il a assisté, s’enfuit dans les bois.

Vengeance (Attention, spoiler).

La suite des événements augmente la tension dramatique. Comme on l’a dit, les chevriers, ignorant l’ascendance de Karin, se réfugient chez Töre. Märeta découvre que sa fille a été assassinée, et que les meurtriers sont sous son toit. Töre va abattre un jeune arbre, se « préparer » à l’assassinat des hommes en se fouettant avec ses branches dans un sauna. Les critiques y ont vu un retour au paganisme : au moment de l’épreuve, l’homme est incapable de professer sa foi jusqu’au bout. Il entre ensuite silencieusement dans la salle de séjour et tue sans pitié les deux hommes sans compter l’enfant qui accompagne les bandits, l’ensemble constituant le deuxième choc spectatoriel du film. Était-ce bien nécessaire, demanderont les journaux de l’époque ? Le seul qui a exprimé un repentir, c’est justement l’enfant ! Märeta a tenté vainement de l’arrêter et pleure sur le corps de l’enfant.

Au matin, les parents et leur suite partent à la recherche de leur fille et la retrouvent. Ils soulèvent une première fois la jeune fille de terre. Le père alors, dans une prière, dit ne pas comprendre comment Dieu a permis et le crime et la vengeance. Il lui promet de lui bâtir en ce lieu une église de pierre et de chaux. En soulevant une deuxième fois le corps de Karin, voilà qu’une source se met à couler là où son corps était déposé. (Fin du spoiler).

Force primaire ou jugement ?

La réception du film a été difficile pour l’époque et on le comprend. Le rape and revenge pourtant connaîtra au cinéma bien des déclinaisons, dont celle de Wes Craven, The Last House on the Left (La dernière maison sur la gauche) en 1972. Bergman lui-même a commencé par affirmer qu’il s’agissait de son film préféré, puis l’a renié se reprochant, entre-autres, d’avoir été trop influencé par Rashōmon d’Akira Kurosawa (1950). Ces « aller-retour » sont peut-être aussi motivés par quelque chose de plus profond qu’on va essayer d’élucider.

Paganisme vs christianisme

En effet, c’est en plongeant dans l’âme de Töre que le film prend une bonne partie de son sens. Car l’incompréhension qu’il exprime dans la prière tient justement au choix entre paganisme et christianisme, entre matérialisme magique et foi. Les païens trouvent dans la nature et les dieux les forces qui conduisent leur destin ou par lequel ils peuvent influencer celui des autres. Ils peuvent être tellement « rivés » à leurs passions, qu’ils n’ont plus aucun respect pour le sacré et la vie spirituelle (comme les chevriers).

Töre, tout chrétien qu’il est, cède donc à la vengeance qui crie en son sang. Il sait pourtant qu’il est libre et que seul le jugement de Dieu compte, qui connaît le cœur de chaque homme. Au moment d’arriver sur le lieu du crime, il le rappelle à Märeta qui estime que tout est de sa faute. Par deux fois, Töre en appellera au pardon de Dieu, sachant bien quelle est sa part de responsabilité dans toute l’affaire. Bergman a raison de suggérer (volontairement ou non) qu’il faut arrêter d’accuser Dieu du mal que font les hommes : le film met plutôt à la lumière « les pensées de bien des cœurs » (cf. Lc 2,35), les péchés et les crimes des hommes.

Culpabilités mortifères

Quatre culpabilités sont exprimées dans le film, qui renvoient toutes aux excès d’une religiosité protestante rigoriste, dont Bergman a souffert dans sa jeunesse, ce qui explique qu’il se « débat » avec la question religieuse dans nombre de ses films.

Ingeri, la première, dit que c’est « elle qui a voulu cela » (en invoquant Odin). Märeta, la mère de Karin s’accuse aussi d’avoir détesté son mari quand sa fille avait des attentions pour lui et de l’avoir aimée plus que Dieu. Töre, bien sûr d’avoir commis son crime plein du sentiment de vengeance. Reste le jeune enfant qui, ayant vu le crime, n’ayant rien fait pour l’empêcher, perd tout appétit et est tourmenté. Il sera pourtant sauvé, lui dit plus tôt le moine accueilli dans la famille (Allan Edwall) mais comme malgré lui (voir l’extrait de film). Des chevriers, aucun « repentir » n’est attendu, ou exprimé.

Aucune grâce de pardon n’est formellement donnée, laissant les êtres dans leurs tourments et leurs péchés. Serait-ce l’image d’un Dieu qui se plaît à divulguer aux hommes leur noirceur ? Toute la faute, en tous cas retombe sur eux sans rémission. Ils doivent se débrouiller avec le silence de Dieu (et des hommes), dont les desseins semblent impénétrables. On voit clairement que la dimension sacramentelle du pardon est tout à fait absente, malgré qu’on soit théoriquement au XIVe s. : le pardon n’est pas reçu comme une source vivifiante qui lave la robe souillée du baptême, bien que, comme par compensation, la symbolique de l’eau va bientôt être présente à l’écran !

La source : réponse divine ?

Faut-il donc considérer que l’apparition de la source soit la réponse divine ? Signe de pureté (on s’y lave) et de ressourcement (on y boit) la source rappelle, on le disait, le baptême, et donc la nécessité de la conversion et de la foi au Christ. Mais il y a ici plus que de l’eau, il y a aussi du sang. Dans l’Évangile selon saint Jean, ne dit-on pas du Christ que de son côté transpercé par la lance jaillit du sang et de l’eau (cf. Jn 19,34) ? Dans sa première épître le sens apparaît encore mieux : il s’agit d’un témoignage (Ils sont trois qui rendent témoignage l’Esprit, l’eau et le sang [1 Jn 5,7-8]). L’eau apparaît par le sang de Karin versé en terre, au moment où elle est soulevée une deuxième fois par ses parents. Elle fut donc bien une martyre (dont l’étymologie, en grec, signifie : témoin).

En effet, que la grâce puisse jaillir du corps transpercé, le mystère de la croix elle-même le signifie (au pied de laquelle était Marie), cette croix que priaient avec confiance, les parents de Karin au temps de leur quiétude – même si Märeta s’infligeait des pénitences excessives – et que maintenant ils portent vraiment dans leur chair et dont ils voient les effets sur leur fille.

Les martyrs le sont toujours pour la foi des autres, pour les païens comme Ingeri mais aussi pour les chrétiens qui restent en partie païens au fond d’eux-mêmes comme… Töre ou Märeta. Le sang de Karin témoigne de la violence qu’elle a subie et l’eau, de la nécessité de comprendre que l’homme doit renaître, garder le cœur pur et rejeter la violence.

La source : signe d’une grâce obtenue par la Vierge Marie ?

Une interprétation possible, consisterait à voir en Karin une figure mariale. Jeune fille[2], vierge, habillée comme pour des noces, elle est en route pour apporter des cierges à la mère de Dieu. Elle rappelle d’ailleurs aux chevriers sa mission avant qu’ils ne la violent, pour les dissuader : son voyage est sacré et, de fait, ils hésiteront un instant. Après le viol et le meurtre, l’assassin piétinera les cierges… D’une certaine façon, puisque la jeune fille n’a pu arriver à l’église et est morte en chemin, c’est la Vierge qui viendra à elle en faisant jaillir une source à l’endroit même de sa mort.

Le cinéaste n’ignore peut-être pas que dans l’histoire des apparitions de la Vierge Marie à des jeunes filles (Lourdes en France, Banneux en Belgique par ex.) des sources furent découvertes, indiquées par la Vierge elle-même. Mais le passage de la Suède à la Réforme luthérienne au XVIe. s. rend moins évidente cette lecture du film. La ballade, conçue dans un climat spirituel catholique au XIVe s., est réinterprétée par un cinéaste qui connaît le protestantisme et en a ressenti les limites, jusqu’à problématiser l’existence même de Dieu. Le film ne cherche pas tant à mettre en lumière la vertu et la pureté de la jeune fille (qui apparaît comme rêveuse et naïve), que l’environnement malsain qui précipite sa perte. Bergman pourrait critiquer l’idéalisme et par suite le romantisme qui a maintenu les jeunes filles dans un déni de la réalité, dans l’aveuglement face aux dangers, les exposant à la malice des hommes (ce dont témoigne Ingeri, méprisée pour n’avoir pas résisté à un homme). Il montre par ailleurs l’horreur d’un monde sans respect pour la foi, tueur et violeur, et la contre-violence de certains chrétiens comme Töre.

Il n’y aurait pas d’idéal de virginité possible pour les jeunes filles et les femmes avant le mariage, là où la Theotokos, la Mère de Dieu est seulement la femme qui a mis Jésus au monde (et où la conception virginale du Christ peut même être soupçonnée). C’est le désir qui règne en maître, et ici son propos est très contemporain : d’un côté il y a ceux, comme les chevriers, qui ne voient en la beauté qu’une manière d’en tirer profit, quitte à abuser les personnes, d’un autre, il y a l’idéal chrétien d’une vie sexuelle qui ne se vit que dans les strictes limites du mariage où l’on se donne l’un à l’autre par amour, mais qui paraît irréaliste. L’absence de modèle ne rend donc pas la chose plus facile. Pourtant, la source dans le film montre que, réduite à sa plus simple expression, la pureté et la limpidité ne cesseront jamais d’être des réalités fascinantes et désirables et même apaisantes.

La source : réponse de la terre ?

Ainsi, que la source apparaisse sous le corps de la jeune fille en dit long sur le fait que la terre elle-même « témoigne » pour la jeune fille et s’ouvre, donne l’eau, à la place du sang qui y a été versé. Même si la pureté et la beauté sont avilis par les hommes et ne se laissent plus contempler en eux, les humbles éléments de la nature prennent le relais et l’expriment tout de même. Si mes disciples se taisent, les pierres crieront, dit Jésus (cf. Lc 19,40).

Que la terre crie vers Dieu après avoir bu le sang de l’innocent et clame vengeance apparaît déjà dans la Genèse au moment du meurtre d’Abel par Caïn (cf. Gn 4,10). L’opposition entre paganisme et christianisme se trouve surmontée. Elle est même « assumée » dans le miracle terrestre, rappelant par la même occasion que Dieu est le créateur du ciel et de la terre, qu’Il peut faire jaillir des sources là où règne l’aridité du péché, et, par un signe, « accomplir » son dessein en réponse à la violence des hommes. Le film ne contredit donc pas le fait que le paganisme participerait d’une « préparation évangélique » comme le disait Eusèbe de Césarée (263-339).

La source : exaucement de Töre ?

L’apparition de la source peut aussi s’expliquer comme un exaucement de la prière de Töre. Dieu peut se montrer miséricordieux face aux criminels repentis. Pourtant, il serait plus commode, dans une vision païenne, de maintenir la figure divine dans la force (comme le dit, plus tôt, le rebouteux à Ingeri), capable de produire fureur, vengeance, jugement. Mais précisément la modernité repousse l’association entre la force et Dieu, tout en se laissant fasciner par la violence, la force que les hommes exercent.

Par ailleurs, comment comprendre que Dieu, d’une part, ait laissé faire le viol, et l’assassinat des chevriers, et d’autre part fasse preuve de bonté vis-à-vis de Töre, qui justement exprime cette incompréhension ? Une fois de plus, la pensée contemporaine butte sur l’association possible entre bonté et justice en Dieu. Conclure à sa non-existence parce que la rationalité est défiée est un non-sens (Que t’importe si je suis bon ? dira le Maître de la vigne dans l’Évangile aux ouvriers qui récriminent. Je fais ce que je veux de mon bien, et je ne t’ai point lésé). Si Töre est exaucé, on comprend qu’ici l’interprétation puisse mettre en valeur la confession de foi, l’importance de la prière capable de changer le cours des événements. Mais alors le film exprimerait alors trop facilement l’efficacité de l’espérance chrétienne, peut-être à l’encontre des intentions du réalisateur qui ne se voulait pas si explicite, ce qui expliquerait en partie qu’il l’ait repoussé.

C’est un peu comme si la ritournelle du XIVe produisait des effets involontaires, diffusait sa grâce en échappant à toute maîtrise, y compris cinématographique, à cause de la puissance du symbole, tandis que le film aurait dû se terminer sur une accusation sans rémission de tous les personnages, tous fautifs d’une manière ou d’une autre. Le jury des Academy Awards ne s’y est pas trompé en lui accordant la récompense de l’Oscar du meilleur film étranger.

La source : fécondité inattendue

L’apparition de la source à l’endroit du viol montre donc qu’une « fécondité » est possible, sans pour autant justifier le crime. Elle vient « de surcroît », par excès, comme souvent dans les films qui ont une dimension spirituelle. Elle rappelle que la prière et le repentir restent les seules réponses possibles face au crime. Elle a pour fonction de fortifier tous ceux qui viendront y boire (comme Ingeri, la première, ensuite Märeta). La chapelle que construira Töre (expression de son repentir) en consacrera le sens pour les générations à venir. Un chant religieux s’élève et le moine se met en prière. On pourrait bien sûr penser que Karin restera auprès de cette source, comme les Anciens pensaient que les sources étaient hantées par des nymphes (dont le nom signifie « jeune fille »), que le paganisme y conserve ici un trait, mais cette interprétation ne tient pas compte des circonstances de sa mort, et que la jeune fille est une figure mariale.

En 1373, (donc dans la dernière partie du siècle où fut composé la ritournelle à la base de l’histoire) mourra la première sainte suédoise, Brigitte. Elle sera canonisée en 1391. C’est le moment où les églises en bois se font plus rares, et qu’on commence à bâtir des églises de pierre, avec la diffusion du roman et du gothique, comme se promet de le faire Töre dans le film… Quant à l’église où on n’arrive jamais, celle où devaient aboutir les cierges de Karin, elle attend paisiblement au loin, inaccessible et invisible dans un lointain hors-champ, à moins qu’elle ne se soit rapprochée de Töre et Märeta par la mort de leur fille et qu’elle soit figurée par cette chapelle qui sera construite à l’endroit de son martyr. Pour l’anecdote, l’actrice qui interprète Karin, et celle qui interprète Märeta ont toutes les deux Birgitta comme prénom…

Abbé Jean-Luc Maroy

Pour aller plus loin, entre autres sur les aspects plus formels et cinématographiques : http://www.dvdclassik.com/critique/la-source-bergman (Page consultée le 16/06/2018).

 


[1] www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/le_christianisme_scandinave_histoire_et_particularites.asp (Page consultée le 16/06/2018).

[2] En grec et dans le Nouveau Testament, le mot parthenos, exprime indifféremment jeune fille ou vierge. C’est le mot utilisé pour Marie chez Luc (1,27) au moment de l’Annonciation.

 

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