Avec Moretti, il est l'un des meilleurs produits d'exportation
du cinéma italien. Oscar du meilleur film étranger pour Cinéma Paradiso,
Giuseppe Tornatore a construit, en six films, une oeuvre ambitieuse et plus
diverse que l'on ne croit. Le Festival de Montpellier,
en 2000, lui a rendu un hommage en présentant la totalité de sa filmographie,
à l'exception de Malena
qui sort en France cette semaine après avoir présenté en
compétition au Festival de Berlin
et avoir remporté le Grand Prix du Festival de Cabourg
:
- Il Camorrista (1986)
- Cinema Paradiso (1988)
- Ils vont tous bien (1990)
- Une pure formalité (1993)
- Marchand de rêves (1995)
- La légende du pianiste sur l'océan (1998)
- Malena (2000)
Vous êtes défini comme un cinéaste très romanesque, nostalgique. Est-ce que
cela vous gêne ?
C'est vrai que mon film le plus connu est un film nostalgique, mais ce n'est
pas le cas de tous mes films. Une pure formalité, par exemple, est un
film presque intemporel, métaphysique. Cela dit, je ne pense pas que la nostaligie
soit un sentiment réactionnaire. Je lisais, l'autre jour, une phrase de Gabriel
Garcia Marquez, que j'aime beaucoup, qui disait que c'est la nostaligie qui
fait bouger le monde ...
La critique, française, en particulier, ne vous a pas toujours épargné. Quel
rapport entretenez-vous avec la critique ?
J'ai le droit de faire les films dont j'ai envie; les critiques ont donc tout
autant le droit d'en dire ce qu'ils veulent. Le succès de Cinéma Paradiso
est parti de la critique française, et ils ont dû être probablement surpris
de ce succès. J'ai comme l'impression qu'après avoir favorisé ce succès, ils
ont voulu reprendre ce qu'ils m'avaient donné.
Vous avez tourné de nombreuses fois avec des acteurs non-italiens, pourquoi
ce choix ?
Je n'ai pas d'idée préconçue. C'est l'histoire qui détermine tout cela. Et la
langue découle de là. La légende du pianiste sur l'océan, par exemple,
de par les contraintes de budget, ne pouvait pas être tourné en italien : l'anglais
s'est rapidement imposé.
Pour Une pure formalité, j'ai immédiatement pensé à Depardieu et Polanski,
nous avons donc naturellement tourné en français. Si demain, je tombe amoureux
d'une histoire qui se passe en Turquie, je tournerai en Turc, je ne sais rien
par avance.
Vous avez qualifié Malena de film érotique, pouvez-vous en dire un peu plus
?
C'est l'histoire d'un jeune garçon de treize ans qui tombe amoureux d'une femme
plus agée. Tout le film est emprunt de sensualité et des rêves du garçon. Il
s'agit d'une histoire fantasmée ...
Le succès énorme de Cinéma Paradiso, l'Oscar à Hollywood ... tout cela n'a
été que du bonheur ?
Cela a été une très belle expérience, mais il est vrai que le succès comporte
des "effets secondaires" qui rendent les choses un peu plus difficiles. Je me
souviens d'une phrase de mon producteur d'alors qui me disait : Si toi, jeune
homme d'une trentaine d'annés, tu peux obtenir un si grand succès, tu dois accorder
aux autres le droit de te détester".
Propos recueillis par David Dibilio, le 4 novembre 2000, au Festival
de Montpellier