Cannes

Timbuktu du réalisateur mauritanien Abderramane Sissoko est en Compétition Officielle. Le film raconte un moment dans la vie des habitants de Tombouctou, ville réduite au silence par des extrémistes religieux semant la terreur. Une famille vivant sur les dunes en dehors de la ville va devoir faire face aux récentes lois imposées par ces nouveaux occupants.

Assez inégal, ce film n'en reste pas moins marquant. En effet, l'image très douce offre des passages somptueux sur les paysages et les visages, sur un match de foot de jeunes maliens chorégraphié sans ballon, contournant ainsi l'interdit. La sobriété est appréciable lors de séquences fortes du film (par exemple la lapidation), puis plus légères qui se démarquent et qui donnent de bonnes respirations au film (l'enregistrement vidéo d'un membre du djihad qui n'arrive pas à exprimer ses opinions car il n'y croit pas encore suffisamment...). Mais elle laisse parfois place à des passages où l'on appuie la douleur et les larmes moins subtilement.

Les personnages et leurs interprètes (pas toujours des acteurs professionnels) sont excellents. On retiendra notamment la "folle" du village, qui apparaît telle un leitmotiv, elle représente les interdits, elle chante, danse, fume... C'est elle qui est en fait la plus libre, voire la plus lucide.

La projection de presse de Timbuktu a été suivie d'une conférence de presse en présence d'une partie de l'équipe du film. Le panel a longuement évoqué la genèse du projet. Abderrahmane Sissoko a souhaité réalisé ce film après s'être rendu compte que la lapidation à mort d'un couple malien non-marié était restée dans l'indifférence générale. L'écriture s'est faite au fil des rencontres, les habitants et les comédiens qui ont nourri et interprété des personnages proches d'eux. Le réalisateur a souhaité, sans manichéisme, mettre en scène des personnages aux multiples facettes. Il n'y a ni bons ni mauvais, il y a bon et mauvais en chacun. Les extrémistes religieux sont très humanisés et les victimes ont des failles, car sans cela nous ne pourrions pas les comprendre...

Sophie Marc & Sofia Rahmoun