Dans le secteur cinématographique, la fonction de « recherche et développement » et les risques qu’elle implique sont exclusivement le fait des distributeurs indépendants, qui sont à la source de la découverte des nouveaux auteurs et des cinématographies de tous les pays.
Les distributeurs indépendants, directement avec les producteurs indépendants ou dans un rôle plus solitaire de « défricheurs » de films inédits, favorisent le renouvellement des talents et leur font peu à peu rencontrer leur public. La plupart des grands auteurs français et étrangers (hors USA) ont été amenés au public par les distributeurs indépendants.
Présents dans tous les grands festivals, ces auteurs représentent aujourd’hui un maillon indispensable au maintien des valeurs que revendique la culture européenne: diversité, qualité, ouverture sur le monde.
Jamais le rôle du distributeur, « passeur » entre la création et la salle de cinéma et acteur de la valorisation du film tout au long de sa carrière – bien au-delà de la salle -, n’aura été aussi essentiel et reconnu … jamais pourtant sa situation n’aura été aussi fragile.
Les distributeurs indépendants sont confrontés à une concentration croissante des opérateurs, à une rotation de plus en plus rapide des films défavorable à la majorité d’entre eux et à l’inflation des frais de sortie facturés par les salles [multipliés par 20 en 10 ans], sans rapport avec l’économie des films les plus fragiles. Ils subissent également de plus en plus la surenchère pratiquée par des sociétés intégrées à des groupes dont l’activité principale n’est pas le cinéma, dont la surface financière est sans commune mesure avec l’économie du secteur, mais qui bénéficient en outre des systèmes de soutien mis en place pour garantir l’équilibre entre les acteurs de ce secteur.
Partageant le constat des menaces qui pèsent aujourd’hui sur les distributeurs indépendants, seuls garants du renouvellement de la création et de la diversité de l’offre de films en salles, DIRE [Distributeurs Indépendants Européens Réunis] et le SDI [Syndicat des Distributeurs Indépendants] ont décidé d’unir leurs forces pour demander aux Pouvoirs Publics l’adoption de solutions d’urgence visant à répondre à cette situation très préoccupante.
Déclinée en deux parties (« Etat des lieux » & « Nos propositions »), la « PLATE-FORME D’ACTION » que les deux organisations ont co-signée a été défendue devant la directrice générale du Centre National du Cinéma.
Les demandes prioritaires de DIRE et du SDI tiennent en cinq points :
• Création par le CNC d’un « label de référence » du distributeur indépendant appuyé sur une définition objective des conditions d’exercice d’une société ; ce label est devenu indispensable pour différencier les entreprises qui en bénéficieront des groupes intégrés de salles, des filiales de distribution des chaînes de télévision, des groupes de télécommunication et des fournisseurs d’accès à internet ; en effet, ceux-ci ont des ressources et un positionnement économique qui rend marginales les aides auxquelles ils peuvent avoir accès, alors qu’elles sont essentielles au maintien d’un secteur indépendant
• Réforme des aides à la distribution des films en salle, avec notamment la réévaluation significative des aides sélectives à la distribution dans toute leur diversité – qui représentent moins de 9% des aides à la filière cinéma – ainsi qu’une réorientation des aides automatiques vers les distributeurs dont l’économie relève majoritairement de l’activité de sortie des films en salles
• Accompagnement de la transition vers la diffusion numérique des films en salles par un appui déterminé à la démarche du « Collectif des Indépendants pour le Numérique [CIN] » garantissant la prise en compte de la diversité des films et des salles
• Rapports entre distributeurs et exploitants : garantie du niveau de partage de la rémunération destinée au distributeur, dans l’esprit du rapport « cinéma et droit de la concurrence », avec mise en place urgente d’un encadrement réglementaire des politiques promotionnelles des salles ; intervention du CNC pour juguler l’explosion des frais de promotion des films que facturent de plus en plus les salles, ce qui revient pour les distributeurs indépendants à une captation détournée de leur part de recette ainsi que des aides qu’ils perçoivent pour compenser leurs risques
• Rapports entre distributeurs et chaînes de télévision : il est désormais reconnu que la valorisation d’un film, sur laquelle se bâtit toute sa carrière bien au-delà de sa programmation en salle, repose essentiellement sur le travail du distributeur ; le déséquilibre des rapports de force avec les groupes de télévision impose la présence des Pouvoirs Publics pour que soient mis en place comme avec Canal +, le plus largement possible, des fonds d’aide à la distribution prenant en compte cet état de fait
Paris, le 15 septembre 2008
Chatelin Bruno 
