Ayant présenté deux de ses précédents films à Cannes – 17 Fois Cécile Cassard (2002) dans la section Un Certain Regard et Dans Paris (2006) à la Quinzaine des Réalisateurs – le réalisateur français Christophe Honoré fait son retour sur la Croisette, mais cette fois-ci en Compétition, avec cette comédie musicale interprétée par Louis Garrel – déjà présent au casting de Ma Mère et Dans Paris – Ludivine Sagnier, Chiara Mastroianni, Clotilde Hesme et Grégoire Leprince-Ringuet. Premier film français en lice pour la Palme d’Or, Les Chansons d’Amour se concentre sur les errances d’un triangle amoureux composé d’Ismaël, Julie et Alice. Avec en fond musical, treize chansons originales interprétées par les comédiens eux-mêmes et écrites par Alex Beaupain.
Partant d’un matériau chanté préexistant pour écrire ce film, Christophe Honoré déclare : « la question de l’histoire ne s’est pas posée en fait, seulement l’idée de comment l’affronter sans être pétrifié, comment la raconter, la faire fonctionner dans une structure musicale qui rejaillisse sur l’ensemble du film. Les lieux, comme l’appartement des parents, reviennent comme des refrains, avec une tonalité changée selon ce qui s’est passé dans le couplet précédent. Et comme dans les chansons où certains instruments reviennent ou disparaissent pendant que d’autres s’ajoutent, les personnages secondaires viennent relancer la fiction et d’autres finissent par en être évacués. »
Conférence de presse
A l'occasion de la conférence de presse des Chansons d’Amour, présenté en Compétition, toute l'équipe a répondu aux questions des journalistes. Etaient présents : le réalisateur Christophe Honoré, les comédiens Louis Garrel, Ludivine Sagnier, Clotilde Hesme, Chiara Mastroianni et Grégoire Leprince-Ringuet, le chanteur-compositeur Alex Beaupain et le producteur Paulo Branco. Propos rapportés.
Sur l’origine du projet :
Christophe Honoré : « Avec Alex, on a un goût commun pour les comédies musicales. Parallèlement, en tant que cinéphile, j’éprouve un vrai amour pour le cinéma de Jacques Demy. Au moment de la sortie de Dans Paris, il nous a semblé, à tous les deux, qu’il y avait une opportunité de proposer une comédie musicale moderne, différente, sur la base des chansons d’Alex. »
Alex Beaupain : « Ma première réaction fut d’être un petit peu effrayé. Christophe m’a parlé de l’idée du projet en septembre et il fallait tourner en janvier… Mais, j’ai un petit peu l’habitude avec lui. C’était un projet très enthousiasmant. J’avais déjà chanté certaines de ces chansons sur mon premier album. Là, je devais aider les acteurs pour les enregistrements et en écrire d’autres en fonction du scénario développé par Christophe. C’était très excitant. »
Alex Beaupain sur la direction d’acteur : « J’ai juste essayé de faire chanter les acteurs juste et en rythme ; ils savaient tous le faire... En ce qui concerne la direction d’acteur, c’est surtout Christophe qui s’en est chargé. Ca n’a d’ailleurs pas toujours été très simple entre nous. Pour ma part, je faisais très attention à la justesse et lui à l’incarnation, aux intentions. Il y a donc eu quelques frictions en studio, mais au bout du compte, c’était assez complémentaire. »
Christophe Honoré sur le romantisme du film : « L’idée principale repose sur l’incapacité, du moins l’impuissance, de ces personnages très romantiques à exprimer leurs sentiments aux autres. Les chansons représentent la passerelle où ils allaient pouvoir se dévoiler. C’est vrai que je n’avais jamais vraiment abordé le sentiment amoureux dans mes films précédents. J’en suis assez méfiant. On a peur d’être mièvre, on a peur comme dans la vie... Les chansons m’ont donc permis d’atteindre un lyrisme, afin de pouvoir affronter les sentiments mais sous une forme assez décalée. »
Christophe Honoré sur le concept de néo-Nouvelle Vague : « Je ne suis pas un enfant de la Nouvelle Vague ; je n’ai pas un héritage sur les épaules comme ont pu le sentir les réalisateurs du début des années 80. (…) On parle beaucoup de la difficulté du cinéma d’auteur. Mais il existe une manière d’en contourner les lois économiques, en les prenant de vitesse. C’est plus facile de tourner avec des gens qu’on aime bien, sur des sujets assez personnels, en peu de jours. En somme, de privilégier le désir à une certaine grâce des grands sujets. C’est plus la manière de faire les films qui renvoie au concept de la Nouvelle Vague. Ce n’est pas uniquement des références esthétiques. ( …) J’aime bien cette idée que le cinéma est fait d’impatience. Accorder ses désirs à ses moyens sans pour autant négliger ses exigences artistiques, c’est une vraie leçon de la Nouvelle Vague. »
Christophe Honoré sur la référence à Jean Eustache : « Ce que j’ai appris d’Eustache, c’est qu’un film est avant tout une langue. Je me méfie souvent des arcanes du scénario. Je suis contre les scènes de situation, les climax ; j’ai le sentiment que les films du coup sont très formatés. Par contre, je crois de plus en plus à la force du dialogue. Dans ce film, il y avait un vrai travail à effectuer : il fallait que le moment où l’on passe du dialogue au chant soit harmonieux. Les chansons d’Alex ont une vraie tenue poétique, portée sur la métaphore. Si j’avais eu des dialogues très naturalistes, la transition aurait été moyenne. »
Louis Garrel sur la difficulté de chanter : « Chanter est une vraie contrainte, c‘est la chose la plus impudique qui m’ait été donné de faire. Il y a un tel abandon du corps, on est tellement concentré sur la voix qu’on ne sait plus ce qu’on fait du reste. »
19.05.2007 | Croisette's blog
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