Avec un peu moins de moyens cette année par rapport aux éditions précédentes et un président différent (Gérard Corbiau succédant au regretté Robert Enrico à ce poste), le Forum du Cinéma Européen de Strasbourg (8-13 novembre 2001) était pour sa sixième édition plus dense et plus concentré.
Festival : El Bola frappe encore, la légende Christopher Lee
Des 15 films en compétitions l’année dernière, le Forum est passé à une douzaine, se réservant le droit de ne pas choisir un film pour chaque pays et des 15 membres du jury venant de tout le continent, il est passé à 5 personnalités seulement mais 5 personnalités plus fortes du cinéma européen : Andrzej Zulawski, Pat O’Connor, Saïd Taghmaoui, Emilie Dequenne et surtout Sir Christopher Lee dont la présence a insufflé au festival un peu plus de légende que d’habitude.
Plus resserrée, la compétition était donc de meilleure qualité. Dès les premiers jours lors d’une passionnante conférence de presse, le jury avait d’ailleurs tenu à souligner la qualité des films vus dont les trois quarts étaient jugés excellents. Parmi les chouchous des jurés, on sait que Sir Lee et M Zulawski ont particulièrement apprécié le film belge Strass de Vincent Lannoo. 20ème film certifié « Dogma 95 », et tourné donc en DV, Strass nous plonge dans les coulisses d’une école de théâtre façon Actor’s Studio en suivant une équipe de télévision en reportage et un professeur aux méthodes pédagogiques douteuses.
Le deuxième film Dogme de la compétition, le danois Italien pour débutants déjà primé à Berlin en février dernier, fut également très apprécié tout comme l’incroyable Gas Attack du Britannique Kenny Glenaan qui décrit une attaque chimique dans les quartiers défavorisés de Glasgow menée par des terroristes d’extrême droite. S’il a avoué avoir écrit dans le but de raconter un fait « qui arriverait dans les prochaines années », Glenaan ne s’attendait pas à être à ce point prophétique. Le caractère « prémonitoire » de son film fut d’ailleurs salué lors de la cérémonie de clôture par le jury qui préféra toutefois attribuer le Prix de l’Union Européenne à l’espagnol d’Achero Manas pour son touchant El Bola qui relate l’amitié de deux jeunes garçons dont l’un est battu par son père.
L’autre grand vainqueur du festival est le Norvégien Peter Naess pour son film Elling, lauréat du Prix Don Quijote de la section « l’Europe dans tous ses états ». Le film décrit les aventures de deux attardés mentaux, interprétés avec maestria par les comédiens Per Christian Ellefsen et Sven Nordin, qui ont la permission d’aménager ensemble dans un appartement en ville. Une mention fut attribuée dans cette section à Abandonnés du Hongrois Arpad Sopsits, film très sombre qui raconte l’enfance du cinéaste dans une institution pédagogique cruelle.
Mais en dehors de la compétition et de son impeccable jury, l’autre temps fort du festival fut la venue pour trois hommages respectifs, de trois grandes personnalités du cinéma européen : les actrices Charlotte Rampling, toute ravie d’ailleurs de sa récente nomination aux Grands prix du cinéma européens (qui se tiendront le 1er décembre à Berlin) pour Sous le Sable, et l’égérie bergmanienne Bibi Andersson, et le cinéaste espagnol Carlos Saura, dont le prochain film Goya sort d’ailleurs très prochainement en France. La venue de ces trois grands artistes a elle aussi contribué à faire de ce 6ème forum une manifestation non seulement riche en découvertes mais aussi très stimulante pour tout cinéphile qui apprécie l’histoire du cinéma européen.
Forum : la distribution et les quotas en question
Fondé par Pierre-Henri Deleau (fondateur de la Quinzaine des Réalisateurs et du FIPA et créateur d’une nouvelle manifestation « cinéma et littérature » à Tours l’année prochaine), le Forum a pour but d’amener les professionnels de l’audiovisuel européen devant le Parlement de l’Union justement concerné ces derniers jours par l’adoption de la proposition Van der Talen instituant un fonds européen de garantie pour encourager la production cinématographique et télévisuelle.
La traditionnelle journée du mardi au Parlement européen attira donc l’attention sur les difficultés de diffusion du cinéma européen dans les Pays de l’Union. Si certaines productions nationales résistent, comme en France, les professionnels s’inquiètent de l’absence de distribution des productions européennes non nationales dans les pays européens. La plupart des ateliers se penchaient sur ce thème en essayant d’établir une stratégie pour lutter contre l’influence du cinéma américain en se penchant sur l’analyse de certains succès de films européens en salle comme Billy Elliot et Rosetta et en ouvrant le débat sur la question des quotas, sujet sensible, surtout dans les milieux de la télévision. Mais dans le fond, le problème qui est à l’origine de la fondation du Forum reste le même : il faut une volonté réelle des institutions pour aider le cinéma européen et une meilleure coordination. « On ne peut pas en vouloir aux Américains d’être mieux organisés que nous » souligna lors de la cérémonie de clôture le président du jury Andrzej Zulawski.
Yannis Polinacci
15.11.2001 | Editor's blog
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