La 13e édition des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) se tiendra du 10 au 21 novembre 2010. Les RIDM ont concocté une programmation des plus alléchantes avec quelque 100 films en provenance de 37 pays et près de 60 invités de l’étranger.

Sélection officielle
C’est le film Les Fros, de la réalisatrice lauriermontoise Stéphanie Lanthier, qui ouvrira les RIDM le 10 novembre prochain. Produit par DOC Productions, en coproduction avec l’ONF, Les Fros nous invite à plonger dans l’univers des débroussailleurs d’Abitibi. Ces travailleurs roumains, maliens, russes ou albanais viennent grossir chaque année les rangs des débroussailleurs aux côtés des Québécois de souche. Durant de longs mois, ils triment au cœur de la forêt boréale et se créent une communauté fraternelle et chaleureuse. C’est cette réalité parfois tendre, souvent difficile, que Stéphanie Lanthier nous fait partager en filmant le quotidien de ces nouveaux bûcherons. En clôture du festival, le film Waste Land de Lucy Walker (Brésil, Royaume-Uni) nous entraîne dans le plus grand dépotoir du monde, à Rio de Janeiro, où l’artiste visuel Vik Muniz mène un ambitieux projet impliquant photographie, déchets et les collecteurs d’ordures eux-mêmes. Prix du public aux festivals de Berlin et Sundance, Waste Land est une histoire émouvante et une réflexion éclairée sur la responsabilité de l’artiste envers son environnement.

Les quatre sections de la sélection officielle reviennent cette année pour refléter les différents visages de la cinématographie documentaire mondiale. La section Caméra-stylo, présentée par l'ARRQ et consacrée aux œuvres empreintes d’une écriture très personnelle, réunit les grands noms du cinéma et les nouveaux auteurs à découvrir. On y trouvera des films aussi attendus que La danse – Le ballet de l’opéra de Paris du grand maître du cinéma direct Frederick Wiseman, véritable chef d’œuvre qui ravira amateurs de danse et novices; I Wish I Knew du cinéaste chinois Jia Zhang-ke, en sélection officielle à Cannes cette année, regard éblouissant sur la ville de Shanghai et son histoire; Voisins de Tahani Rached, réalisatrice bien connue ici, qui retourne en Égypte avec ce magnifique portrait d’un quartier du Caire; L’amour fou de Pierre Thoretton, récit de 50 ans de mode et d’amour entre Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé; ou encore Red Shirley, premier film de Lou Reed, un tête-à-tête tendre et intelligent entre le musicien et sa cousine de 101 ans. Du côté québécois, les RIDM se réjouissent du retour du couple de cinéma Isabelle Lavigne et Stéphane Thibault : après Junior qui avait ouvert les 10es RIDM, les deux auteurs nous entraînent cette fois dans l’univers fascinant des danseuses du ventre égyptiennes, avec La nuit, elles dansent. Les nouveaux talents locaux sont également à l’honneur, avec Jelena’s Song de Pablo Alvarez-Mesa, film lumineux sur la mémoire et l’identité après le traumatisme; Je serai là de Iphigénie Marcoux-Fortier et Karine Van Ameringen, un documentaire tout en délicatesse tourné dans un petit village de Oaxaca au Mexique; Les tortues ne meurent pas de vieillesse de Hind Benchekroun et Sami Mermer, portrait de trois vieux Marocains colorés; et Ryan’s Renaissance de Nicola Zavaglia, chronique émouvante des dernières années de vie et de création du cinéaste d’animation Ryan Larkin.

Les films de la section Caméra au poing, présentée par Radio-Canada, sont autant de regards sur les grands enjeux politiques et sociaux de la planète. Ces cinéastes nous parlent des tensions montantes en Iran, dans Tehran Without Permission, tourné à l’aide d’un téléphone cellulaire par la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi; du travail acharné de militants anti-avortement en Floride, dans l’effrayant 12th & Delaware de Heidi Ewing et Rachel Grady (réalisatrices de Jesus Camp); de la soif guerrière de militaires danois en Afghanistan, dans Armadillo de Janus Metz, sorte d’Apocalypse Now moderne aussi scandaleux qu’esthétiquement ahurissant, Grand prix à la Semaine de la critique à Cannes. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, Cleveland contre Wall Street de Jean-Stéphane Bron met en scène un faux procès où la ville américaine dépossédée par la crise économique attaque les institutions financières. Aisheen – Still Alive in Gaza de Nicolas Wadimoff (coréalisateur de Clandestins avec Denis Chouinard) est un vibrant chant de vie sous l’occupation israélienne, primé à Berlin et Nyon. L’Afrique est mise de l’avant avec Congo in Four Acts, réalisé par quatre jeunes cinéastes congolais, On The Other Side of Life, portrait sans jugement et sans concession de deux adolescents meurtriers en Afrique du Sud, et Grace, Milly, Lucy de Raymonde Provencher, sur les fillettes soldates en Ouganda. Ève Lamont signe un film coup de poing sur la prostitution au Québec avec L’imposture, et Charles Gervais replonge dans l’histoire dramatique du Cambodge avec La part d’ombre. Véritable bijou de poésie, Ce cœur qui bat de Philippe Lesage, tourné dans la pure tradition du cinéma direct aux urgences de l’Hôtel Dieu de Montréal, est un film enveloppant qui donne un visage humain à la maladie.

Le volet ÉcoCaméra, présenté par Télé-Québec, aborde des enjeux scientifiques et environnementaux majeurs. On pourra y découvrir le très attendu Gasland sur les fameux gaz de schiste, le film controversé d’Ondi Timoner Cool It, qui s’attaque au sacro-saint documentaire d’Al Gore An Unconvenient Truth en proposant d’autres moyens de lutter contre le réchauffement climatique, et Plug and Pray, un film à la fois ludique et profond sur l’intelligence artificielle. En provenance d’ici, La reine malade de Pascal Sanchez nous met en garde face à la disparition des abeilles, Land of Destiny de Brett Story dresse le portrait alarmant d’une ville ontarienne à la population décimée par les effets de l’industrie pétrochimique, et Chercher le courant de Nicolas Boisclair et Alexis de Gheldere suit le comédien Roy Dupuis dans sa lutte contre la construction de barrages hydroélectriques sur la rivière Romaine. Enfin, deux immanquables pour les amoureux de l’espace : Les rêveurs de Mars de Richard Dindo, sur notre prochaine conquête de la planète rouge, et Space Tourists de Christian Frei, Meilleure réalisation documentaire à Sundance, sur le nouveau marché lucratif du tourisme spatial.

DocTape, la section la plus éclatée et éclectique du festival, regroupe des œuvres audacieuses et insolites, entre punk et pop, subversion et divertissement. Les amateurs d’un cinéma en marge y retrouveront Blank City, histoire du cinéma underground dans le New York des années 1970, Machete Maidens Unleashed!, documentaire délirant sur le cinéma d’exploitation philippin, et The People vs. George Lucas, qui raconte comment les fans de Star Wars ont vu sombrer George Lucas du côté obscur de la force. La musique sera également au rendez-vous, avec Stones in Exile, magnifique film d’archives produit par les Rolling Stones eux-mêmes, qui nous fait replonger dans la création de l’album-culte Exile on Main Street; et A Drummer’s Dream du cinéaste canadien John Walker, pur délice musical pour les amateurs de percussions. L’hilarant Disco and Atomic War raconte comment le disco et la série Dallas précipitèrent la chute de l’Union soviétique. Kings of Pastry de D.A. Pennebaker et Chris Hegedus se penche avec humour sur un concours des plus grands chefs pâtissiers, et Les arbitres est un coup d’œil malicieux sur le difficile métier d’arbitre de football. On y trouvera aussi des récits plus intimes : Katka de la grande cinéaste tchèque Helena Treštíková, qui a suivi pendant 12 ans la vie d’une toxicomane, Family Affair, où le cinéaste plonge dans les sombres souvenirs de sa famille hantée par un père pédophile, ou encore 1981 Regressionists, surprenante première œuvre locale où le cinéaste tente de guérir son meilleur ami alcoolique au cours d’un pèlerinage existentiel en Espagne. Un peu de sexe enfin pour pimenter le tout : le sexe magique dans Sex Magic, désopilant récit des péripéties d’un chaman sexuel; le sexe qui se vend dans Silver Girls, portrait de trois cinquantenaires berlinoises épanouies grâce à la prostitution; et le sexe qui change et rechange dans Regretters, tête-à-tête tragicomique entre deux hommes devenus femmes puis redevenus hommes…

Gros plans
La 13e édition des RIDM est dédiée à Marcel Simard, compagnon de route du documentaire qui nous manque à tous beaucoup. Quatre films seront présentés dans le cadre de cet hommage, qui illustrent toutes les facettes de l’homme de cinéma que fut Marcel Simard : deux de ses réalisations, Québec rouge et Le grand monde, et deux de ses productions, Des marelles et des petites filles de Marquise Lepage, et La vie a du charme de Jean-Philippe Duval. Autre grand disparu cette année, le syndicaliste Michel Chartrand sera également honoré à travers la présentation de trois films présentant l’homme et ses luttes : 24 heures ou plus de Gilles Groulx, Un homme de parole réalisé par son fils Alain Chartrand, et Michel Chartrand, le mal commode de Manuel Foglia, présenté en première mondiale. Cet hommage sera présenté en collaboration avec la CSN.

Autre gros plan important : le cinéaste français Denis Gheerbrant et sa série sur la ville de Marseille. La république Marseille, présenté en collaboration avec la Chaire René-Malo et la Cinémathèque québécoise, est une série de 7 films sans esbroufe et à hauteur d’homme, qui saisissent le souffle et l’énergie des habitants qui constituent la chaire vivante de la ville. L’auteur donnera une leçon de cinéma en parallèle de cette présentation. En provenance de France également, le documentariste Jean-Marie Drot viendra nous présenter une série de trois films tournés au Québec au début des années 1960 et intitulée Journal de voyage au Canada. La Révolution tranquille était alors à l’œuvre au Québec, et le cinéaste français eut l’intelligence d’en saisir les images les plus vibrantes, tout en y posant son regard personnel et poétique. Cette magnifique série est rendue possible grâce au soutien du Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine et sera accompagnée d’une discussion entre Jean-Marie Drot et le cinéaste québécois Jacques Godbout.

Enfin, les RIDM soulignent l’anniversaire de la chute de l’Union Soviétique, avec six films récemment réalisés sur le sujet et apportant tous un regard divergent et original sur ce tournant capital de l’histoire. Le programme « Bons baisers d’URSS » rassemble des films aussi divers que le passionnant thriller politique War Games and the Man Who Stopped Them, le film sur l’art The Desert of Forbidden Art et l’enquête terrifiante Russian Lessons, en passant par la comédie et le portrait intime. Bon cinéma camarades !

Les RIDM se tiendront à la Cinémathèque québécoise, au Cinéma ONF, au Cinéma Parallèle, à la Grande Bibliothèque, à l’Université Concordia et au Goethe-Institut. Par ailleurs, souhaitant poursuivre leur rayonnement à l'extérieur de Montréal, les RIDM présenteront une sélection d’œuvres documentaires dans la Vieille Capitale du 26 novembre au 2 décembre en collaboration avec le Cinéma Cartier.