Entretien avec
Jung Ji-woo, réalisateur de Happy End
Sorti en décembre
1999, Happy
End rejoint la cinquième place du box office coréen fin
janvier 2000. Il faut dire que ce film a de quoi surprendre le public coréen,
avec ses deux stars utilisées à contre-emploi et son mélodrame
virant au film d'horreur. Jung Ji-woo signe ainsi un premier long métrage
mémorable dont la double nature symbolise assez bien le cinéma
coréen actuel, tout à la fois auteurisant et commercialement viable.
Où avez-vous
puisé le sujet de votre film?
Jung Ji-woo: D'un
fait divers réel. Des tragédies semblables arrivent de temps en
temps quand les couples se séparent. Mais pas seulement en Corée,
n'est-ce pas? Cela arrive partout dans le monde...
Quel type de
film vouliez-vous faire en partant de ce fait-divers?
Je voulais faire
une sorte de mélo, mais toujours en restant assez proche de la réalité
et de ses drames.
Aviez-vous à
coeur de montrer les répercussions de la crise économique sur
les familles coréennes?
Dans la culture
coréenne traditionnelle, les femmes restent toujours à la maison,
font le ménage, la vaisselle et tout ça, mais je voulais montrer
que tout change très vite maintenant, beaucoup de femmes travaillent.
On accepte maintenant que les femmes travaillent comme les hommes.
Le film s'ouvre
sur une scène d'amour très sensuelle, très passionnée.
Vu que l'actrice principale est une sorte de Julia Roberts en Corée,
ses fans ont du être pas mal surpris...
Le sexe n'est pas
le plus important dans le film. Je pensais que cette scène était
simplement la meilleure façon de présenter le personnage de cette
femme qui est en mal d'amour et qui en trouve auprès de son amant.
Pourtant, j'ai
lu des articles sur votre film disant que les gens avaient été
très surpris...
C'est vrai que
l'actrice est très connue, c'est une superstar au top en Corée.
C'était la première fois que les gens la voyaient aussi déshabillée,
donc c'est vrai qu'il y a eu pas mal de bouche à oreille à ce
sujet! Mais la fin très violente, qui voit la mort du personnage, les
a surpris tout autant.
La fin de votre
film est en effet très sanglante et dramatique, à la façon
de Liaison Fatale...
Les gens qui sont
venus me voir m'ont dit que c'était vraiment très surprenant et
très violent. Mais je tenais absolument au réalisme de ces moments
dramatiques.
Vous avez aussi
poussé très loin le contre-emploi avec Choi Min-Shik, la star
du film d'action Shiri...
(rires) Oui, dans
Shiri, il a un rôle très masculin. Le tournage de Happy
End a eu lieu la même année, donc il devait vraiment changer
de registre pour être crédible. Dans mon film, il n'est pas très
masculin, et je trouvais ça très amusant! (rires)
Est-ce que la
promotion, le marketing comptent beaucoup pour le succès d'un tel premier
film? Et qu'en est-il de votre sélection cannoise?
Depuis trois ans
en Corée, il y a beaucoup de films commerciaux et l'industrie du cinéma
se développe très vite. Donc c'est moins difficile de trouver
des financements et les festivals commencent à sélectionner pas
mal de films coréens. Ma sélection au festival de Cannes 2000
va certainement m'aider à poursuivre sereinement ma carrière.
Le festival de Cannes est très bien parce qu'il respecte les jeunes cinéastes,
en même temps c'est un festival très grand, compliqué, mais
très beau...
Le seul film
coréen en compétition officielle était Le Chant de la
Fidèle Chunhyang d'Im Kwon-taek. Vous sentez-vous proche de ce type
de cinéma?
En Corée,
le cinéma et la culture se sont pas mal occidentalisés. On voit
beaucoup de films américains. Les films d'Im Kwon-Taek sont beaucoup
plus orientaux, traditionnels, mais nous, jeunes réalisateurs, sommes
plus proches de la culture occidentale maintenant.
Qu'aimeriez
vous qu'on retienne de votre cinéma? Le scénario, la mise en scène?
Qu'est ce qui est le plus important pour vous?
S'il fallait choisir,
pour moi ce serait d'abord un très bon scénario, ensuite de bons
acteurs. C'est aussi très important.
Aimez-vous le
cinéma français?
Oui, j'aime les
films de Léos Carax.
Quel est votre
prochain projet?
Je n'avais pas
de plans avant de venir à Cannes, mais ce festival m'a vraiment donné
envie de continuer de faire de bons films le plus vite possible! (sourire)
Entretien
réalisé par Robin Gatto au Festival de Cannes 2000