Voyez Clermont comme une auberge espagnole où des menus tout prêts
d'une huitaine de tapas vous sont proposés pour une dégustation
de deux heures. L'inconvénient, c'est qu'on ne peut dîner à
la carte, et qu'il faut parfois se farcir les poireaux vinaigrette en entrée
puis les sardines à l'huile -certains adorent ça- avant de pouvoir
apprécier la tortilla ! Il faut admettre que les desserts sont généralement
bons; l'effet sucré d'une petite douceur après quelques mets trop
copieux ou mal réchauffés, vous laissera sortir de la projection,
le sourire en banane.
La section internationale réunit à elle seule 14 plateaux-repas
soit 81 films, où l'on trouve à boire et à manger, l'exotisme
pour apéritif. Fidèles à leur réputation, les Français
(65 films en compétition) savent faire la cuisine. Entre Le Chou et
Poulet cocotte, le menu F9 avait bonne presse dans les couloirs du festival.
Tout cela manquait pourtant d'un peu de piment, quand soudain J'attendrai le
prochain (menu F3) vous fait l'effet du trou normand ! ça vous réchauffe
le coeur en même temps que ça vous glace les tripes. Canal+ ne
s'y est d'ailleurs pas trompé. Friand mécène du court-métrage,
d'animation ou de pure fiction, la chaîne lui dédit une nouvelle
émission hebdomadaire depuis le 6 février: Dans le cadre de La
collection, 10 réalisateurs sélectionnés à l'issue
d'un appel lancé à Cannes ont planché sur l'idée
du bonheur...
Le pixel indigeste
Bonne idée ! Car les générations montantes n'ont pas
l'air très gai. La section numérique (43 films en compétition)
qui n'a pas vocation de réunir l'image de synthèse (la 3D) ou
le film d'animation, brille trop souvent par l'absence de sujet. Tout le monde
ne fait pas du dogme avec une DV ! Certains oublient même d'allumer la
lumière ! En revanche, il est clair qu'elle donne sa chance à
de jeunes réalisateurs en mal de budgets. Et quand dans un long monologue,
une bonne actrice raconte une drôle d'histoire devant la caméra
(Nue), c'est déjà du cinéma. On saluera aux antipodes,
et pour exception, l'approche plastique de Neon, où le compositing
révèle au fil des superpositions, les mystères de Venise.
Flash sur l'anim
Mais Les amateurs de 3D et d'effets spéciaux peuvent rester sur leur
faim car mise à part la très belle rétrospective dédiée
au yougoslave Borislav Sajtinac, un trop petit nombre de films viennent saupoudrer
les programmes en compétition. Les courts empruntés au rendez-vous
des e-magiciens (festival de Valenciennes) ou à La poudrière s'en
sortent bien. On regrettera pourtant que des petites merveilles comme Tim
Tom (grand prix d'Imagina 2003), ne soit même pas sélectionné
ici, alors que Pigly très attendu dans le genre, a reçu
un prix !
Parent pauvre du festival de long-métrage, le film d'animation serait-il
aussi celui du court ? Qu'à cela ne tienne, avec Loulou et autres
loups, le distributeur Gébéka nous a programmé, pour
le timing d'une séance de cinoche, cinq histoires de loups insolites.
Un '26 minutes' d' animation traditionnelle précédé de
quatre 'très courts' réalisés avec le logiciel flash. Deux
stars du scénar pour enfant et leurs équivalents réalisteurs-graphistes,
réunis par un producteur inventif nous prouvent qu'on peut faire du long
avec du court... Excellent ! (Sortie en salle le 26 mars voir photos).
Mieux vaut à Clermont se laisser guider par le désir et laisser
au jury la compétition, car le festival a bien assez d'agapes dans ses
cuisines, pour régaler toutes sortes de palais. Mon met favori rendra
cette année hommage à nos voisins germains: pure jubilation, la
carte blanche donnée à l'agence du court-métrage de Hambourg
avait de quoi vous éveiller les papilles... ouvertes à d'autres
festivals.
Véronique Godé