HEROS POST MODERNES: DECOUVERTES ET CONFLITS
Pour sa douzième année, le Festival Cinéma Tout Ecran à Genève confirme sa diversité. Entre cinéma et télévision, Compétition officielle ou Compétition Regards d'Aujourd'hui, les points de vue se croisent souvent et ne se ressemblent pas. Trajectoires.
Introspection
Beau début avec l'étonnant CHOKING MAN (Etats-Unis, 2006) dans lequel on suit les états d'âme torturés de Gorge, un jeune Equatorien, plongeur dans un restaurant new yorkais. Réalisé par Steve Barron, créateur des clips phare des années 80 - dont le fameux Take on Me de A-Ha et plusieurs clips de Michael Jackson et de Madonna - ce film intègre aux images filmées des plans d’animation qui ajoutent au mystère et à l'originalité de l'œuvre.
Dans DIEP (Deep, Pays-Bas, 2005), la réalisatrice Simone Van Dusseldorp filme avec pudeur les doutes et les intuitions de l'adolescence. Alors que son père et sa mère se séparent, Heleen, 14 ans, réalise que le regard des garçons sur elle change. Séduite par la liberté de deux jeunes garçons qui l'entourent, elle choisit de sortir de l'enfance. Sa recherche d'indépendance est accompagnée d'images solaires qui illuminent ses questionnements.
Avec l'adaptation de EIN GANZ GEWOHNLICHER JUDE (Just an Ordinary Jew, Allemagne, 2005) de Charles Lewinsky, Oliver Hirschbiegel (créateur du polémique La Chute avec Bruno Ganz) réalise un grand moment de télévision. Ben Becker y joue un journaliste juif qui reçoit une invitation à donner une conférence sur ce que représente être juif dans l'Allemagne d'aujourd'hui. D'abord indigné, il branche un enregistreur et se lance dans un incroyable discours. Fascinant!
Société
Nigel Roffe-Barker, ancien assistant de Stephen Frears, réalise THE REFUGE (Royaume-Uni, 2006) pour Channel 4. Tiré d’une histoire vraie, ce film traite de la situation de deux demandeurs d'asile kurdes en Angleterre. Poursuivis par la police, ils trouvent refuge dans une église où ils sont défendus par un prêtre catholique exemplaire par son courage. Porté par une réalisation efficace, ce film sans concession donne la parole à des personnes qu'on entend peu et qui méritent d'être écoutées.
Déjà récompensé à Cinéma Tout Ecran pour son court métrage Drought, Dalibor Matanic signe VOLIM TE (I Love You, Croatie, 2005), un instantané de la société croate diffusé en première internationale. Un trentenaire issu de la jeunesse dorée de Zagreb voit son existence basculer le jour où il apprend sa séropositivité. Il tente de continuer à exister malgré tout. Caméra nerveuse, sur fond de techno et de tequila, Dalibor Matanic réussit un film électrique.
Regards d'aujourd'hui
Après avoir réalisé de nombreux spots publicitaires et clips vidéo, la réalisatrice Nia Dinata signe l'enlevé BERBAGI SUAMI (Share your Husband, Indonésie, 2006). Trois familles indonésiennes d’origines sociales diverses y font l'expérience de la polygamie. La caméra suit le quotidien des femmes concernées. Blessées dans leur identité d’épouse, elles composent néanmoins avec leur nouvelle condition. Situations cocasses, musiques pop et couleurs sucrées font de ce film une bouffée d’air frais.
En première mondiale, PLEURE EN SILENCE (France, 2005) est le premier long métrage d'un ancien directeur de la photographie et réalisateur de clips pour Culture Club et Nina Simone, John Gabriel Biggs. Il traite de la violence qu'un père de famille inflige à l’une de ses filles adolescente et de sa réaction. Au-delà de sa thématique difficile, ce film coup de poing est esthétique, pudique et puissant. John Gabriel Biggs réussit à transmettre, sans pathos, la douleur et la révolte d'une jeune fille confrontée à l'injustice.
Nouveau combat et superbe travail de l'image dans TRANSE de Teresa Villaverde (Italie/Russie/France/Portugal, 2006). Portée par la caméra de cette jeune réalisatrice portugaise, Sonia quitte la Russie pour l'Allemagne où elle travaille au noir avant d'être enlevée, violée et intégrée dans un réseau d'exploitation sexuelle qui l'amènera dans un bordel en Italie puis au Portugal. Confrontée au pire, jusqu'où Sonia aura-t-elle la force de se révolter? Ce film fait mal mais jamais gratuitement.
De cinéma ou de télévision, ces longs métrages touchent juste. A travers leur quête de sens et leur recherche esthétique et formelle, ces histoires rejoignent des préoccupations universelles et laissent une trace vibrante.
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